En règle générale, l’obésité est causée par un déséquilibre prolongé entre un apport énergétique augmenté (alimentation) combiné à une dépense d’énergie diminuée. De nombreux facteurs contribuent à ce déséquilibre et peuvent constituer des causes profondes au problème d’obésité du patient.
Facteurs génétiques et épigénétiques*
*Définition de l’épigénétique : Relatif à l’hérédité de caractères, de modifications, d’informations qui ne sont pas portés par les gènes. (Le Robert, Dico en ligne)
Des centaines de gènes sont reliés à l’obésité. L’environnement obésogène augmente l’expression de ces gènes (la génétique serait responsable de 50 à 70 % de la variabilité interindividuelle de l’IMC).
L’obésité monogéniqueUne seule mutation rare, ou un seul évènement génétique (par exemple une anomalie chromosomique), est suffisante pour entraîner la maladie. (p. ex. : anomalie du MC4R) ou syndromique (p. ex. : Moon Bardet-Bield, Prader-Willi) représente quant à elle moins de 1 % des patients atteints d’obésité.
L’environnement intra-utérin dans lequel le fœtus se développe peut aussi influencer son risque de développer de l’obésité.
Microbiote
Le microbiote représente l’ensemble des micro-organismes dans le tractus gastro-intestinal. Cette flore est responsable de l’extraction énergétique des aliments via la fermentation des glucides par les bactéries et joue un rôle sur le métabolisme des acides biliaires et des acides gras à courtes chaînes. Chez les patients avec obésité, il y aurait une augmentation du ratio des bactéries Firmicutes par rapport aux Bacteroidetes, ce qui pourrait augmenter l’extraction énergétique des glucides en favorisant le gain de poids.
Dysfonction du tissu adipeux (adiposopathy)
Dans un contexte de balance énergétique positive, il y aurait un dysfonctionnement de l’expansion du tissu adipeux sous-cutané qui se déposerait anormalement dans des sites ectopiques (foie, muscles, cœur, pancréas) et intra-abdominaux. Ce dysfonctionnement de l’expansion mènerait à de l’hypoxie cellulaire du tissu adipeux avec cascade inflammatoire et sécrétion de cytokines et d’adipokines favorisant le développement des comorbidités telles que le diabète de type 2.
Altération du contrôle des signaux de faim et de satiété
Contrôle de l’appétit – Faim physiologique
Chez le sujet sain :
- Préprandiale : Augmentation de la ghréline (hormone de faim sécrétée par l’estomac) qui agit sur le noyau arqué de l’hypothalamus (centre de faim du cerveau) pour activer les signaux de la faim.
- Postprandiale : Sécrétion du glucacon-like peptide-1 (GLP-1) et du peptide Y avec une vingtaine d’autres peptides sécrétés par l’intestin grêle qui agissent sur le noyau arqué de l’hypothalamus afin d’induire de la satiété et d’augmenter la sécrétion d’insuline.
- La leptine sécrétée par le tissu adipeux a aussi une action sur l’hypothalamus pour augmenter la satiété.
Chez le sujet avec obésité :
- Dysrégulation du contrôle de l’appétit : les niveaux de ghréline entre deux repas ainsi que le GLP-1 postprandial sont diminués, ce qui augmenterait la faim.
- Résistance à l’action de la leptine.
Contrôle de l’appétit – Faim psychologique
- La consommation de certains aliments active le centre de récompense mésolimbique du cerveau entraînant la sécrétion d’endorphines et de dopamine ce qui procurerait du plaisir et provoquerait le désir de répéter ce comportement (fringales alimentaires).
- Activation du même site du cerveau que lors de la consommation de drogue.
- La faim psychologique peut donc outrepasser le mécanisme de faim physique.
Contrôle de l’appétit – Fonctions exécutives
Chez le sujet sain :
- Même si l’individu ressent la faim, il peut, par l’activation du cortex frontal, décider de manger ou non en réponse à ces signaux.
Chez le sujet avec obésité :
- Réduction de l’activation du cortex frontal dorsolatéral en réponse à des stimuli alimentaires, ce qui pourrait diminuer le contrôle de l’alimentation chez le patient.
Figure adapté du programme Prise en charge de l’obésité, Mission possible, Bausch-Health 2019
Médicaments et gain de poids
Plusieurs médicaments peuvent induire un gain de poids. Il est donc important que les professionnels de la santé révisent la liste de médicaments de leurs patients et fassent des choix judicieux pour éviter le gain de poids et la détérioration des comorbidités métaboliques.
Classes de médicaments associés à un gain de poids :
- Insuline et hypoglycémiants oraux
- Antihypertenseurs
- Antidépresseurs et antipsychotiques
- Anticonvulsivants et stabilisateurs de l’humeur
- Antirétroviraux
- Corticostéroïdes
Hypoglycémiants oraux et insuline - Tableau réalisé par Isabelle Giroux, B. Pharm., M. Sc., pharmacienne à l’IUCPQ
Antihypertenseurs - Tableau réalisé par Isabelle Giroux, B. Pharm., M. Sc., pharmacienne à l’IUCPQ
Antidépresseurs et antipsychotiques - Tableau réalisé par Isabelle Giroux, B. Pharm., M. Sc., pharmacienne à l’IUCPQ
Anticonvulsivants et stabilisateurs de l’humeur - Tableau réalisé par Isabelle Giroux, B. Pharm., M. Sc., pharmacienne à l’IUCPQ
Maladies psychiatriques et obésité
L’obésité et les troubles de santé mentale sont des problèmes prévalents qui semblent associés. La prévalence du surpoids et de l’obésité est de :
- 20-55 % chez les patients souffrant de dépression
- 25-60 % chez les patients atteints de trouble affectif bipolaire
- 30-70 % chez les patients souffrant de schizophrénie
Les patients souffrant de maladie mentale auraient deux à trois fois plus de risque d’obésité. Chez les patients souffrant de trouble dépressif ou de trouble affectif bipolaire spécifiquement, l’obésité serait deux fois plus prévalente en comparaison avec la population générale.
D’autres troubles psychiatriques sont associés à l’obésité :
- Le trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) : 26-61 % des personnes atteints de ces troubles souffrent également d’obésité
- Les troubles cognitifs (atteinte des fonctions exécutives, de la flexibilité cognitive, de la mémoire de travail et la mémoire épisodique, de la fluence verbale et de la capacité de prise de décision). À noter que certains de ces déficits cognitifs sont également associés au TDAH.
- Le trouble de stress post-traumatique (TSPT)
- 60 % des femmes et 33 % des hommes avec obésité identifient le TSPT comme un facteur contributoire à leur obésité.
- Plusieurs ont été victimes de différentes formes d’abus à l’enfance : physique (5-35 %), émotionnel (4-10 %), sexuel (5-30 %) ou négligence (6-12 %).
Il est important de dépister les problèmes de santé mentale lors de la prise en charge de l’obésité car non seulement les psychopathologies peuvent être une cause ou une conséquence de l’obésité, mais elles peuvent également être une barrière à sa prise en charge et à la poursuite d’objectifs en matière de poids et d’habitudes de vie chez ce patient.
Troubles d’accès hyperphagiques (TAH) (Binge eating disorder) et obésité
La prévalence du TAH se situe autour de 30 % chez les personnes avec obésité.
Critères diagnostiques du TAH selon le DSM-5 (5e édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders)
A. Épisodes récurrents d’accès hyperphagiques
- Prise d’une grande quantité de nourriture en une courte période
- Association d’un sentiment de perte de contrôle
B. Association avec au moins 3 des critères suivants :
- Manger beaucoup plus rapidement que la normale
- Manger jusqu’à être inconfortablement plein
- Manger sans ressentir physiquement la faim
- Manger seul parce qu’on est gêné de la quantité de nourriture ingérée
- Être dégoûté de soi-même ou se sentir déprimé ou coupable après avoir trop mangé
C. Présence d’une souffrance marquée
D. Accès survenant au moins une fois par semaine pendant trois mois
E. Absence de comportements compensatoires inappropriés comme dans la boulimie
Environnement
Sommeil
Des liens ont été établis entre un mauvais sommeil et le risque d’obésité. Des études animales ont démontré un gain de poids important chez les souris lorsque leur rythme circadien était changé. De la même façon, le travail de nuit serait associé à davantage de comorbidités cardio-métaboliques.
Activité physique
La sédentarité semble un facteur étroitement associé à l’obésité. Seulement 20 % des enfants (6 à 11 ans) et des jeunes (12 à 17 ans) sont considérés comme actifs. Chez les adultes, près de la moitié sont considérés comme étant actifs ou moyennement actifs.
Alimentation
Une quantité insuffisante de fruits et de légumes consommés quotidiennement est associée à l’obésité. Dans une étude de Statistique Canada, la consommation quotidienne de moins de 5 fruits ou légumes est associée à une prévalence de l’obésité de 28 % comparativement à 20 % pour ceux qui en consomment au moins 5 portions.
À l’opposé, les facteurs protecteurs de l’obésité sont également connus. Ceux-ci incluent notamment l’accès à des aliments sains et à des comportements alimentaires spécifiques. Manger en famille serait un comportement protecteur contre l’obésité, particulièrement chez les jeunes âgés de moins de 18 ans.
Statut socio-économique
Le statut socio-économique et le niveau de scolarité, tous deux liés, influencent le risque d’être atteint d’obésité. Un niveau de scolarité plus élevé, tant chez les hommes que chez les femmes, est associé à une plus faible prévalence d’obésité.
Le niveau socio-économique de la région où l’individu habite a également un impact sur la prévalence de l’obésité. Par exemple à Halifax, les niveaux socio-économiques des agglomérations ont été comparés en 2006. Dans les quartiers avec un faible niveau socio-économique, 25,5 % des individus étaient obèses comparativement à 11,2 % des gens vivant dans les quartiers dont le niveau socio-économique était plus élevé.
La disponibilité d’installations sportives influence également la prévalence de l’obésité. Selon une étude réalisée à Edmonton en 2009, la probabilité d’être atteint d’obésité augmente avec la proximité des dépanneurs et des établissements de restauration rapide.
Physiologie lors d’une perte de poids
Chez le sujet avec obésité ayant eu une perte de poids médicale (exercice, activité physique, pharmacothérapie) :
Le regain de poids est favorisé par :
- L’augmentation des hormones de faim (ghréline) et la diminution des hormones de satiété (GLP-1+ peptide Y) à long terme (période d’au moins 1 an)
- La diminution du métabolisme basal secondairement à la perte de masse musculaire observée lors d’une perte de poids.
Chez le sujet avec obésité ayant eu une chirurgie bariatrique :
Il y a une meilleure durabilité de la perte de poids à long terme, car :
- Diminution des hormones de faim (ghréline) sécrétées par l’estomac étant donné la résection d’une partie de l’estomac.
- Augmentation des hormones de satiété (GLP-1 et peptide Y) étant donné l’arrivée précoce des aliments dans l’intestin grêle. La sécrétion de ces hormones augmente la sécrétion d’insuline et explique en partie l’amélioration précoce du diabète de type 2.